Chacun connaît la tragique aventure
De ce loup, qui pour s'emparer
Du troupeau de Guillot, se déguise en berger ;
Et qui, contre nature,
Pour mieux réussir dans ses tours,
Veut d'une voix humaine emprunter le secours.
Chacun connaît cela, mais ce que l'on ignore
Encore,
C'est ce qui s'en suivit. Je vais vous le conter :
Guillot pour profiter
De la peau de la bête,
Un jour se met en tête,
D'en revêtir Labry, le chien de son troupeau ;
Dans ce projet, aussi singulier que nouveau,
Guillot s'était dit à lui-même :
Par cet inconnu stratagème,
Les loups pensant voir un des leurs,
Approcheront. Alors, de messieurs les voleurs,
Labry se trouvant à portée,
Ayant gueule bien endentée,
Et de ces jeux étant au fait,
Pourra se signaler par plus d'une victoire,
J'en aurai le profit, pour lui sera la gloire :
Ainsi dit, ainsi fait.
Il habille Labry, puis il le met en garde,
Et Dieu sait, au berger s'il tarde
De voir les bons effets qu'il s'en était promis.
Un point restait encor pour terminer la chose,
C'était d'habituer et moutons et brebis,
A voir Labry dans sa métamorphose,
Il le leur montre... Mais aux yeux
Des gens peureux,
Des objets qui pour eux, sont un sujet de crainte,
Il suffit de la peau pour les épouvanter ;
Le pauvre Guillot, par sa feinte,
En fit la triste épreuve, il ne put arrêter
La bande des fuyards, à la fuite portée,
De plus, par la peur excitée,
Qu'en rendant à Labry son premier vêtement,
Il le fit ; tout rentra dans l'ordre au même instant,
Et Guillot put conclure,
De sa mésaventure,
Que pour bon, un moyen ne peut être compté,
Qu'autant qu'il est goûté.