Les malheurs des Petits touchent bien peu les Grands ;
On le va voir par cette Fable.
Les Grenouilles un jour poussaient des cris perçants
De voir que du Soleil la chaleur redoutable
Mettait à sec tous leurs Etangs.
Grand Jupiter, soyez-nous secourable,
Disaient-elles, hélas ! des maux que nous souffrons !
Votre fils est la cause unique.
Taisez-vous. Demain nous verrons,
Dit Jupiter à la Gent Aquatique,
Pour aujourd'hui je ne puis rien pour vous.
Les Dieux ont toujours mille affaires.
Les Grenouilles alors redoutant son courroux
Se taisent ; mais cela ne les soulageait guère.
Le lendemain avec certain plaisir,
Le Soleil vit les Dames croassantes
A son aspect s'agiter et gémir,
Et se fourrer toutes tremblantes
Sous les Roseaux, pour y trouver le frais :
Ce fut en vain ; en suivant sa carrière,
L'Astre du Jour darde sur les Marais,
Aussitôt la Gent Grenouillère
Palpitant et presqu'aux abois
À Jupiter adresse sa prière,
Qui plus touché que la première fois,
Lentement se prépare à redonner la vie
A ce peuple affligé. Bref, il vint de la pluie ;
Mais il était trop tard, autant que je le crois.
Obliger promptement c'est obliger deux fois.