La jeune Abeille Jacques Peras (18è)

Une Abeille vive et légère,
Dont on devoir espérer du profit,
Prit l'essor ; et peu ménagère
Laissa passer l'Eté sans faire aucun produit.
Cependant tous les jours au lever de l'aurore
Elle était à l'ouvrage et mettait tout en train :
Vous eussiez dit que des présents de Flore
Elle est tiré l'essence et fait un grand butin ;
Mais non de chaque fleur qu'elle voyait éclore
Elle admirait les attraits éclatants,
Et n'en prenait que la superficie :
Elle faisait comme font bien des gens,
Qui voulant jouir de la vie,
Ne pensent point à l'avenir.

Mais quand la chaleur fut passée,
Et que l'hiver se fit sentir,
Notre Abeille à demi glacée,
N'ayant pas de quoi subsister,
Regrettait, mais en vain, cette saison aimable
Dont elle aurait du profiter.

Trop tard on devient raisonnable.
Jeune on ne pense qu'au présent,
Sur le futur on est tranquille,
Et l'agréable bien souvent,
Empêche d'aller à l'utile.

Livre III, fable 1




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