Le Fleuve vengé Adine Joliveau (1756 - 1830)

Fier du tribut de vent ruisseaux,
Un Fleuve qui touchait le couchant et l'aurore
La terreur, ou l'espoir de Cérès on de Flore
Dans le sein de Thétis précipite ses flots.
A son berceau le monde en a vu la naissance
Et les siècle devaient contempler sa puissance.
Qui n'a point ici bas souffert t'adversité ?
L'hiver souffle, et sa froide haleine
Le saisit ; l'aquilon l'enchaîne ;
Sous sa voûte il frémit de se voir arrêté ;
Par des lâches bientôt il se voit insulté :
Les pieds armés d'acier, cent marmots se balancent:
Ils partent, sur son sein t<'[s que des traits s'élancent,
L'œil à peine les suit. Brillant de pourpre et d'or,
Le traîneau parait, fuit, et reparait encor.
– Est-ce là, disaient-ils, ce Heure redoutable ?
Nouvel Achéloüs, qui est donc le héros
Qui triompha de sa force indomptable ?
Un dieu languirait-il dans un honteux repos ?
Murmurant sourdement. - Quelle est votre imprudence ?
Dit le vieillard ; redoutez ma vengeance.
Mortels, osez vous bien braver un immortel ?
Il se tait; et chacun riant de sa menace
En tout sens parcourait sa glissante surface.
Le Fleuve implore, obtient un prompt secours du ciel.
Le zéphir de sa douce haleine
Fond la neige des monts qui coule dans la plaine ;
Lors du Fleuve en courroux secondant les efforts,
Le torrent accourt, frappe et déchire ses bords ;
Son sein durci se fend, il a brisé sa chaîne,
Et lançant avec bruit ses énormes glaçons,
Entasse des monts sur des monts.
Le flot presse le flot ; dans sa fougue il entraîne
Les hameaux, les ponts, les bateaux,
Etables, moissons et troupeaux.
Las ! tout périt ; en vain la jeunesse imprudente
Sur des débris épars, élève et tend les bras ;
Un gouffre est entr'ouvert : son onde tournoyante,
L'attire, l'engloutit et hâte son trépas.

Respectez le malheur ; les traits de la vengeance,
Atteignent, tôt ou tard, l'insulte et l'arrogance.

Livre II, Fable 1




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