Un fleuve dans son lit coulait paisiblement ;
Le vallon qu'arrosait son eau limpide et pure,
Riche de tous les dons que produit la nature,
Offrait à l'œil charmé l'aspect le plus riant.
Mais sur la terre, hélas ! il n'est rien de durable ;
Tout commence et finit, Dieu seul est immuable.
Un trop funeste orage, en grossissant les eaux,
Couvrit ce beau pays d'un déluge de maux.
Le fleuve franchissant son antique rivage,
Se change tout à coup en torrent destructeur,
Et répandant partout l'épouvante et l'horreur,
Dans les champs désolés s'ouvre un nouveau passage.
Nul ne peut arrêter son cours impétueux ;
On gémit, on se borne à de stériles vœux.
Le temps, dont le pouvair change à son gré le monde,
Vient enfin modérer sa course vagabonde.
Sortant de leur stupeur, quelques hommes alors
A ce qu'a fait le temps unissent leurs efforts ;
Et leur faible travail, quoique très-éphémère,
Peut encore apporter un secours nécessaire,
Jusqu'à l'heureux moment où le sort moins jaloux,
Détournant du canton le céleste courroux,
Ramène dans son sein un ange tutélaire
Qui du pauvre habitant vient finir la misère.
De ce fleuve lui seul pouvait régler le cours.
Comme il mettait ses soins à ce pénible ouvrage,
Ceux dont les eaux avaient envahi l'héritage
Viennent lui demander, implorant son secours,
Que dans leur ancien lit elles soient ramenées.
Le courant, leur dit- il, depuis longues années,
A travers le vallon s'en est fait un nouveau ;
N'allez pas, aggravant vos tristes destinées,
De l'inondation rappeler le fléau.
Le nouveau lit réclame un travail salutaire ;
Du fleuve gardez-vous d'en détourner le cours,
Car vous ne le pourriez qu'aux dépens de vos jours ;
A mieux l'y retenir travaillons au contraire,
A ses digues donnons la hauteur nécessaire ;
Instruits par le passé, faisons tous nos efforts
Pour qu'il ne sorte plus désormais de ses bords.
Oui, chacun s'écria, frappé de ce langage,
Il vaut mieux prévenir qu'aggraver le dommage.