Le Fleuve et la Mare Étienne Azéma (1776 - 1851)

Un Fleuve, bruyant et rapide,
Brisé par les cailloux, précipitait le cours
De son onde blanche et limpide
Que ces chocs épuraient toujours.
Une Mare, infecte et tranquille,
Etendait près de là ses croupissantes eaux ;
Pays de vase, impur asile,
Peuplé de joncs et de crapauds.
— Vagabond ! lui dit-elle, où vas-tu ? qui te presse ?
Ne t'arrêteras-tu jamais ?
Les sables, les graviers te tourmentent sans cesse,
Suis mon exemple et dors en paix.
— Je m'en garderai bien, lui répondit le Fleuve ;
Peux-tu t'imaginer que, sale comme toi,
Je consente à croupir, et que mon onde abreuve
Une fange indigne de moi ?.
Dans ma course, il est vrai, mille accidents contraires
Retardent les pnj que je fais.
Mais contre ces assauts je lutte avec succès ;
Et nies eaux n'en sont que plus claires.

Je peins ici le fainéant
Qui, comme cette Mare impure,
Au sein de la paresse et du désoeuvrement,
Des vices tôt ou tard contracte la souillure ;
Et dans ce fleuve diligent,
Qui fertilise la nature,
Et toujours s'épure en courant,
J'ai voulu présenter l'image
De l'homme plein d'activité,
Qu'aucune contrariété
Ne rebute et ne décourage ;
Ennemi d'un honteux repos,
Il va travaillant sans relâche,
Et doit à d'utiles travaux
Une vie agitée, il est vrai, mais sans tache.

Livre III, Fable 7




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