Le Fleuve et la Goutte d'eau Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un fleuve, enorgueilli de ses profondes eaux,
Dans les champs de Cérès répandait ses largesses,
Et portait au commerce, en de vastes bateaux,
Les produits du travail convertis en richesses.
« Je suis grand, disait-il, mais que sont ces ruisseaux
Dont j'entends le faible murmure,
Auprès de ma grandeur et du bruit de mes flots ?
Je suis le roi de la nature ! »
« Doucement, orgueilleux* lui répondit soudain
Une goutte des eaux qui roulaient dans son sein,
Ne prends pas pour toi seul la gloire qui m'est due.
Par nous formés d'abord, souviens-toi de cela,
tes plus petits ruisseaux ont fait ton étendue,
Et la puissance vient de là.
Tu n'es qu'un composé de gouttes réunies,
Pourquoi m'abreuves-tu de tant d'ignominies?
Ma vie a fait ta vie, et tu te dis mon roi !
Non, tu n'es ni meilleur, ni plus noble que moi.
Né de rien, comme nous, dans une mer profonde,
Demain tu vas aussi disparaître du monde. »
Ce discours par l'écho fut partout répandu,
Et l'orgueil du grand fleuve à jamais confondu.

tes petits font les grands, en de rudes épreuves,
Et les gouttes d'eau font les fleuves.

Fables nouvelles, Livre V, Fable 1, 1851




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