Un fleuve, enorgueilli de ses profondes eaux,
Dans les champs de Cérès répandait ses largesses,
Et portait au commerce, en de vastes bateaux,
Les produits du travail convertis en richesses.
« Je suis grand, disait-il, mais que sont ces ruisseaux
Dont j'entends le faible murmure,
Auprès de ma grandeur et du bruit de mes flots ?
Je suis le roi de la nature ! »
« Doucement, orgueilleux* lui répondit soudain
Une goutte des eaux qui roulaient dans son sein,
Ne prends pas pour toi seul la gloire qui m'est due.
Par nous formés d'abord, souviens-toi de cela,
tes plus petits ruisseaux ont fait ton étendue,
Et la puissance vient de là.
Tu n'es qu'un composé de gouttes réunies,
Pourquoi m'abreuves-tu de tant d'ignominies?
Ma vie a fait ta vie, et tu te dis mon roi !
Non, tu n'es ni meilleur, ni plus noble que moi.
Né de rien, comme nous, dans une mer profonde,
Demain tu vas aussi disparaître du monde. »
Ce discours par l'écho fut partout répandu,
Et l'orgueil du grand fleuve à jamais confondu.
tes petits font les grands, en de rudes épreuves,
Et les gouttes d'eau font les fleuves.