Un ruisseau descendait, de chutes en rapides,
Du pied des Laurentides
Au fleuve Saint-Laurent ;
Il murmurait fort en courant,
Non parce que ses flots roulaient en abondance, —
Il n’en avait que peu — mais bien par impudence
Et pour faire du bruit,
Afin qu’on fut instruit
De son passage.
Lorsque l’on est petit, ma foi !
On attire les yeux sur soi
En faisant beaucoup de tapage.
Il arriva, sans le savoir,
Avec toute sa véhémence
Sur les rives du fleuve immense.
Le fleuve passait sans le voir.
— Où portes-tu, fleuve, ton onde ?
Demanda-t-il d’un ton amer.
— Moi ? je vais au sein de la mer,
Répondit de sa voix profonde
Le fleuve qui marchait toujours.
— Arrête ici ton cours ;
La mer n’a pas besoin de ton onde limpide ;
Épanche dans mon lit aride
Tes flots qui vont là-bas mourir ;
C’est moi petit ruisseau que tu dois secourir.
— Tais-toi pauvre insensé ; si je changeais ma course
Pour obéir à tes propos,
Je remonterais à ta source
Et t’engloutirais sous mes flots.
Cette fable peut nous apprendre
Que nous aurions parfois de bien profonds regrets
Si ceux que nous prions consentaient à se rendre
À nos vœux indiscrets.