L'Arme rendue Adine Joliveau (1756 - 1830)

- Quitte cette arme meurtrière,
Mon fils, tu t'es déjà blessé ;
Remets-la dans mes mains en enfant bien sensé.
- Ce mal ne sera rien, mon père,
Laisse-moi garder ce jouet.
- Je te promets demain, un carrosse, un fouet.
À cet âge, l'espoir vaut-il la jouissance ?
Oh ! non ; et puis la résistance
Qui donne à nos plaisirs un si puissant attrait.
S'il perd un tel trésor, il mourra, c'en est fait,
Les raisons qu'on lui donne irritent son envie,
Céder, ne pas céder, c'est exposer sa vie
A ce débat, certain ami présent,
Sort, et revient an même instant;
D'un beau polichinel il avait fait l'emplette,
C'était, leur disait-il, pour servir d'amusette
A son marmot ; comme il cabriolait !
Roulait des yeux ! L'enfant charmé le convoitait.
Il soupire, et soudain porte l'arme à son père.
- Elle peut me blesser, et je te la remets.
La raison à présent m'éclaire ;
Je n'y penserai plus, oh je te le promets;
Un beau polichinelle a toujours droit de plaire
Si ton ami voulait un instant le prêter!
Celui ci de le contenter ;
Puis au père il donna cet axis salutaire :

- Dans ton enfant, tu voix le genre humain ;
Lui ravir son jouet, c'est lui percer le sein ;
Ainsi quand la raison devient infructueuse,
Apprends qu'un bon législateur
Sait dissiper par une moindre erreur
Une autre erreur plus dangereuse.

Livre I, Fable 21




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