1.
Du sein heureux de l'Empyrée
Naguères sur ce globe on vit descendre Astrée ;
La tendre piété guidait ses pas divins :
Assez et trop longtemps, disait- elle, les armes
Ont inondé la terre et de sang et de larmes ;
Punissons leurs forfaits et vengeons les humains.
2.
Elle ordonne ; un bûcher s'élève.
Sitôt on voit s'y rendre et la lance et le glaive,
Et la flèche et la fronde, et la hache et le dard ;
Le terrible bélier et la longue sarisse
Viennent en murmurant partager le supplice :
La discorde en courroux y jette son poignard.
3.
Pâle, consternée et tremblante
La superbe trompette à son tour se présente :
Qui m'a pu mériter, dit-elle, ce destin ?
De quels crimes affreux puis-je être donc coupable ?
Sans pointe ni tranchant, de quoi suis-je capable
Jamais on ne me vit verser le sang humain.
4.
Il est vrai, répond la déesse ;
Mais les perfides sons de cette voix traîtresse
Allumant dans les cœurs la fureur des combats,
Inspirant aux mortels l'ivresse du carnage,
Organisant enfin la mort et le ravage,
Sont-ce là des forfaits moins dignes du trépas ?
5.
Ah ! du meurtre ouvrir la carrière,
En donner aux humains le signal sanguinaire,
De tous les attentats est le plus odieux :
A ces mots le bûcher est frappé de la foudre,
Le feu met la trompette et les armes en poudre ;
Et depuis ce beau jour l'univers est heureux.