Le Magistrat, son Enfant et le Chat Romain Nicolas du Houllay (début 19è)

Un magistrat un jour traitait un sien confrère.
D'un fils âgé de six ans environ
La présidente avait augmenté sa maison.
C'était un vrai lutin. Avec son grave père
A table aussi prétendant figurer
Déjà le drôle occupait une place.
De là, Monsieur, veuillez vous retirer,
Lui dit le magistrat avec un ton de glace ;
Vous avez, pour manger avec des sénateurs,
La barbe un peu trop courte encore.
A cet ordre insultant en vain il fond en pleurs ;
De la colère en vain tout le feu le dévore ;
Il fallut obéir. Afin de le venger,
Près d'elle exprès la mère en un coin de la salle
Lui fait mettre un couvert ; d'une main libérale
Ose avant tous le partager ;
Des mets les plus friands lui surcharge sa table,
Enfin tout ce que fait pour un enfant gâté
Une mère peu raisonnable
Est par elle affecté.
Pendant que la trop faible mère
Semblait ainsi narguer le père,
Un chat flattait l'enfant. Pour la troisième fois
L'hypocrite mitis en allongeant la patte
Tentait d'escroquer de ses doigts
Certaine pièce aussi grasse que délicate.
Le petit polisson
D'un revers de fourchete
Le repousse et lui dit : avec papa, minon ;
Pour toi sa compagnie est faite ;
Pour lui plaire il ne faut que longs poils au menton.
Avec tous nos enfants mesurons nos paroles ;
Ils sont rusés les petits drôles :
Et souvent leur maligne humeur
Sait rétorquer le trait caustique
Qu'un père sottement stoïque
Affecte de lancer sur eux avec hauteur.

Livre III, fable 6




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