L'Enfant et la Naïade Mademoiselle Duwicquet d'Ordre (1750 - 1830)

La plus belle enfant du village
La jeune Hébé jouait un jour
Auprès d'une fontaine, à l'ombre du bocage ;
Elle voyait dans l'eau se peindre le feuillage,
Les fleurs, les herbes d'alentour,
Et l'oiseau qui par son ramage
Avait su l'attirer au fond de ce séjour.
Des bords de la fontaine approchant davantage,
Elle aperçut un enfant plein d'appas,
Qui d'un air caressant tendait ses bras vers elle :
C'était sa propre image et ne s'en doutant pas,
Elle crut que l'enfant avait suivi ses pas ;
Elle part la première, elle attend, elle appelle ;
Inutile espérance, il ne vient point ! Hélas !
Où le trouver ? Dans sa peine cruelle,
Dans le bosquet courant du haut en bas,
Elle a cherché sans avoir de nouvelle.
À la fontaine elle retourne enfin ;
Elle y revoit cet enfant plein de charmes ;
Mais quand, pour l'arrêter, elle avance la main,
Quand elle croit saisir l'objet de ses alarmes,
L'eau se trouble ; à ses yeux tout disparaît soudain ;
Elle aperçoit qu'elle travaille en vain,
Et des sanglots se mêlent à ses larmes.
Une Naïade alors, sortant du sein des eaux,
Le front couronné de roseaux,
Avança jusques sur la rive…
Petite Hébé, dit-elle, avec un doux souris,
Ne cherches plus tes traits chéris
Parmi les flots de l'onde fugitive.
Ta main, qui l'a troublée, a terni ce miroir ;
Viens t'asseoir un moment sous la tendre verdure ;
Attends que l'eau soit calme, attends qu'elle soit pure :
Ce n'est qu'à ce moment que tu pourras te voir.

C'est ainsi qu'on se cherche avec un soin extrême,
Et cependant on ne peut se trouver :
Pour que ce mal ne nous puisse arriver,
N'oublions pas qu'il faut se chercher en soi-même ;
Que c'est toujours en vain que l'on se cherche ailleurs
Mais que pour voir dans le fond de nos cœurs,
Il faut surtout qu'ils soient purs et tranquilles :
Sans ces deux points tous soins sont inutiles ;

On n'aperçoit jamais ni soi ni ses erreurs.





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