L'Enfant et l'Abeille Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Un enfant cueillait une rose.
Une abeille y dormait, le lutin fut blessé ;
Alors pleurant et courroucé,
Il court près de sa mère et lui conte la chose.
- Or, voyez le sot animal,
Dit-il : lui faisais-je du mal ?
L'abeille a commencé, moi je vais le lui rendre.
Elle cherche là-bas des fleurs près des sillons,
Dans mon filet à papillons
Tout doucement je vais la prendre,
Puis je l'écraserai. – Mon fils, garde-t'en bien,
Il faut que ton cœur lui pardonne.
Je souffle sur ta main ; vois-tu, ce n'est plus rien.
Tiens, prends ce miel que je te donne :
Il est doux, n'est-ce pas ? Or, sais-tu qui l'a fait ?
Eh bien ! c'est ta méchante abeille !
Oublions sa piqûre en faveur du bienfait.
Elle n'en fera plus dès qu'elle sera morte.
- Or, bien donc, laissons-la, dit le petit gourmand.
Mais elle est bien sotte, vraiment,
De m'avoir piqué de la sorte.
- Tu n'as pas trouvé le vrai mot,
Reprend la mère ; en vain ton ressentiment gronde :
Lorsqu'on se rend utile au monde,
Lorsqu'on a du talent, on n'est jamais un sot.

Livre IV, fable 6




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