Une colombe était en cage,
Loin de son beau ramier, loin de son nid d'amour.
Un serpent qui la guette, après mille détours,
S'approche et lui tient ce langage :
- Est-il un sort plus triste et plus dur que le tien ?
Tes parents maintenant font leur nid sur la mousse,
Et ta captivité ne les tourmente en rien.
Dans l'intimité la plus douce,
Ton ramier loin de toi passe des jours heureux,
Tes sœurs volent de branche en branche ;
Et jamais des barreaux affreux
Ne déchirent leur robe blanche…
-Mes parents ! mon ramier ! roucoulait doucement
La colombe triste et pensive,
Je me console en les aimant !
Puis, tout à coup se ranimant
Et les yeux tout brillants d'une clarté plus vive :
- Tu crois qu'ils sont heureux, dit-elle ; eh bien ! merci,
Car leur bonheur, vois-tu, me rend heureuse aussi.
Mes sœurs sont joyeuses et belles,
Puissent-elles longtemps jouir de leurs amours !
Le soleil que je vois à travers cette cage
N'est plus celui de l'esclavage,
Puisqu'il éclaire leurs beaux jours.
Ami serpent, qui me consoles,
Merci de tes bonnes paroles.
Or, le très cher ami serpent
Qui lui tenait ce beau langage,
Espérait qu'en surexcitant
Son désespoir jusqu'à la rage,
Il la rendrait rebelle, et qu'en se débattant,
Elle ferait tomber sa cage :
Il l'attendait au pied du mur.
Les bons peuvent souffrir le destin le plus dur,
Mais le ciel protège leur vie
En les préservant de l'envie.