Se plaignant de son sort, la colombe fidèle,
Confiait ses chagrins, ses craintes, ses soucis
À la plaintive et tendre tourterelle :
Un barbare milan, dans sa fureur cruelle,
Avait pris deux de ses petits !
Hélas ! s'écriait-elle, apprenez ma misère :
Pour comble de douleur, je crains, à chaque instant,
Qu'il ne m'enlève encor les deux que, maintenant,
Nourrit leur malheureuse mère...
Oubliant son propre danger,
Pour suivre uniquement sa bonté naturelle,
Celle qui, de l'amour est le parfait modèle,
Lui dit venez chez moi, venez-vous y loger ;
Je peux aisément protéger
La mère et ses fils avec elle.
Dans mon nid, cet oiseau des vôtres le tyran,
N'osera, contre vous, jamais rien entreprendre,
Et des atteintes du milan,
Mon bec saura bien vous défendre.
Ah ! que puis-je espérer de vos bontés pour moi,
Répartit aussitôt la colombe éplorée,
N'êtes-vous pas aussi victime consacrée
Aux fureurs de ce monstre objet de mon effroi ?
De mes pressans dangers et de sa tyrannie,
Si quelqu'un peut encor, dans ce moment affreux,
Pour jamais préserver ma vie,
Ce n'est qu'un oiseau fort, vaillant et généreux !
Mais une triste et dure expérience
M'apprend, hélas ! trop clairement,
Que, si le faible est né compatissant,
La dureté souvent marche avec la puissance.