La Colombe et la Corneille Théodore Lorin (19è siècle)

Dans le superbe colombier
D'un honnête et riche fermier,
Vivant au sein de l'abondance,
Une douce colombe avec reconnaissance
Remerciait le ciel de sa félicité.
« Ma nombreuse postérité
Trouve en ces lieux une ample nourriture, »
Disait-elle. « A quoi bon nous vanter ton bonheur ?
Interrompit avec aigreur
Une corneille, oiseau de triste augure.
Ton maître, j'en conviens, de ta fécondité
Dont il a, lui seul, profité,
A lieu de bénir la nature.
Pour toi, l'accroissement de ta progéniture,
Loin de procurer à ton cœur
Des jouissances maternelles,
Ne fera qu'augmenter tes chances de douleur,
Et te causer des angoisses mortelles,
Quand tu verras ton maître, tous les jours,
Envoyer au marché les fruits de tes amours. »

A mon gré, la corneille aigre, sombre, envieuse,
Par ce propos montrait son mauvais cœur.
Si la colombe était ou se croyait heureuse,
Pourquoi troubler son paisible bonheur ?

Livre VI, Fable 11




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