La Truie et le Cheval de bataille Théodore Lorin (19è siècle)

« Que je te plains, superbe et fringant animal !
S'écriait une truie, en voyant un cheval
Qui le front haut, d'une démarche altière,
Bardé de fer et d'or s'en allait à la guerre.
Tu cours, plein d'une folle ardeur,
Braver la faim, la soif, les travaux, la misère :
Heureux encor si le fer destructeur
Ne vient pas abréger ta brillante carrière.
Pour moi, dans mon obscur réduit,
Exempte de travaux si rudes,
Je vais, fuyant le tumulte et le bruit,
Bien manger tout le jour, dormir toute la nuit,
Et sans soins, sans inquiétudes
M'engraisser à loisir : on ne me verra pas
Au milieu des affreux combats
Sottement hasarder ma vie :
Vive la joie ! et si d'un chimérique honneur ! »

Jusques à certain point, ma commère la truie
Ne raisonnait pas mal : j'en conviens de grand cœur ;
Mais qui de nous voudrait d'un semblable bonheur ?

Livre VI, Fable 12




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