Sur un mur mitoyen qui lui faisait ombrage,
Certain particulier, grand amateur des arts,
Avait fait peindre un paysage
Qui doublait son jardin, et charmait ses regards.
Grâce au choix des couleurs, grâce à la perspective,
Ce mur-là n'était plus un mur.
C'était un vert bosquet ; c'était un ciel d'azur ;
C'était une onde fugitive.
On dit qu'en achevant ce chef-d'œuvre immortel,
Le peintre villageois, surpris de son génie,
Dans un transport de modestie,
Avait crié : Messieurs, je suis un Raphaël !
La muraille ainsi déguisée,
(Quel triomphe pour l'amateur !)
Voilà qu'une Colombe, assez mal avisée,
Vient donner, à plein vol, dans ce lointain trompeur.
Le choc fut violent. L'innocente Colombe,
Dupe de son erreur, et se meurtrit, et tombe.
Le fils de la maison, qui la suivait des yeux,
Lui voyant faire la culbute,
Par des cris, par des ris, accompagne sa chute,
Et court à son papa raconter, de son mieux,
Cet événement curieux.
O mon fils, mon cher fils ! ô ma douce espérance !
Lui dit le père alors, puisse-tu, quelque jour,
D'une belle et fausse apparence
N'être pas la dupe à ton tour !