Sur le sol africain, non loin de ce rivage
Où jadis exista la superbe Carthage,
Et qui depuis longtemps n'offre plus aux regards
Que de tristes palmiers dans les sables épars,
Montés sur des chevaux de la plus noble race,
Un Maure et ses deux fils s'en allaient à la chasse
Des lions et des léopards.
A poursuivre un lapin on court moins de hasards.
Us marchèrent deux jours d'un trot assez rapide,
Avant de parvenir jusqu'aux lieux écartés,
Par ces animaux habités.
Le Maure, chasseur intrépide,
A ses enfants servait de guide.
Vers le soir, il suspend leurs pas précipités.
Mes amis, leur dit-il, nous sommes à l'entrée
De la forêt suspecte. Alte-là! le jour fuit :
Déjà le voile de la nuit
Enveloppe cette contrée :
Prenons quelque repos ; livrons-nous au sommeil.
Demain, sitôt que le soleil
Luira sur ces bois solitaires,
Nos armes, des lions, des chacals, des panthères,
Ensanglanteront le réveil.
Le jour, vous le savez, excite le courage,
Et nous serons plus-frais quand nous aurons dormi.
Ma foi ! veillons plutôt : c'est le seul parti sage,
Dit l'un des fils. Déjà, dans tout le voisinage,
J'entends des hurlemens. Mon cheval a frémi.
Devons-nous fermer l'oeil en pays ennemi ?
Mon ami, répliqua Je Maure,
Nous le pouvons ici, du moins jusqu'à l'aurore.
Les lions rugiront. Ces immenses déserts
Retentissent déjà de leurs affreux concerts,
Et l'écho rend leur voix encor plus menaçante ;
Mais cesse de t'en alarmer !
Ces feux, que je viens d'allumer,
Dans leur cœur, à l'instant, vont jeter l'épouvante.
La nuit seconderait leurs sinistres desseins :
Mais, de loin, de nos feux la lueur les éclaire ;
Et chez les animaux, comme chez les humains,
Les méchants craignent la lumière.