— Mon fils, disait un rat, à son heure dernière,
Je sens dans tout mon corps un affaiblissement
Qui me dit que prochainement
J'aurai rejoint ta pauvre mère.
Avant de succomber au dernier des sommeils
Je veux, mon cher enfant, te donner des conseils.
Approche, écoute-moi : Garde-toi bien sans cesse
De ce vilain défaut qu'on appelle paresse.
Je te l'ai cent fois répété :
L'oisiveté
Est la mère de tous les vices.
Dans mes plus profondes offices,
Après ma mort tu trouveras
Au fond de mon logis fruits, pois et de la graine,
Qui jusqu'à la saison prochaine
Pourront suffire à tes repas.
Ménage-les et vis avec économie :
L'hiver peut être rigoureux.
De l'active fourmi que l'exemplaire vie
Soit constamment devant tes yeux.
A ces mots un hoquet, lui coupant la parole,
L'envoya voyager au séjour ténébreux.
Notre jeune héritier tout d'abord se désole,
Mais bientôt entouré de prétendus amis,
Promptement accourus pour chasser les ennuis
Des paternelles funérailles,
Il se livre avec eux à de telles ripailles
Que du sobre défunt l'ample provision
Sous leurs dents disparait jusqu'au moindre trognon.
Un jour après cette bombance,
Notre prodigue rat était dans l'indigence,
De porte en porte mendiait.
Les amis de la veille auxquels il s'adressait
Du fond de leur logis venaient à l'orifice
Et lui disaient : Dieu vous bénisse.