Grâce au honteux appui des mille légions
Qu'arma pour se venger une horde étrangère,
Un marquis, d'une humeur altière,
Rentrait, après la fin dei nos dissensions,
Dans le château gothique où ses riches ancêtres
Avaient vécu jadis en souverains et maitres.
Afin de réparer, en son noble logis,
Du temps qui détruit tout l'inévitable outrage,
Ce fier et hautain personnage
Mande un des menuisiers, artiste du pays.
Celui-ci, qui venait d'abandonner la lance
Pour le rabot, sentait, au moindre mot piquant,
Soudain surgir en lui ce premier sentiment
Qui nous fait tout d'abord riposter à l'offense.
— On m'a parlé de ton habileté,
Lui dit notre marquis, de ce ton de fierté
Qui jadis entre un noble et le vilain taillable
Mettait une distance immense, infranchissable,
Pourrais-tu, sans retard, me changer ce parquet ?
Je veux qu'avant huit jours il soit à neuf refait.
Combien me prendras-tu ? Dis, que veux-tu par mètre ?
— Cela dépend du bois que tu voudras y mettre,
Lui répond notre menuisier.
— Qu'entends-je ! N'as-tu pas osé me tutoyer,
Rustre, manant ? — Tout doux, monsieur le gentilhomme,
Reprit l'homme au rabot, de moi sachez, en somme,
Que le plus grand seigneur, pour être respecté,
Comme un autre doit satisfaire,
Fût-ce envers le plus pauvre hère,
Aux lois de la civilité.