Le fils d'un Financier et les Trésors Maximilien Emmanuel-Charles de Malon (18ème siècle)

Un Financier mourant laissait des millions
À son fils, jeune encor, sa plus douce espérance.
Aboulcasem avait des trésors moins immenses ;
Lucullus n'aurait su, par des profusions,
Comment en tarir l'abondance.
Que ne peuvent, hélas ! toutes les passions
Dans leur première effervescence !
Gros jeu, valets, chevaux, équipages, bijoux,
Inconstance applaudie envers nombre de Belles
À craindre d'autant plus qu'elles sont moins cruelles,
Bals et festins, soupers de sous ;
Notre jeune homme avait à la fois tous les goûts :
Pour sa parure, autre démence !
À Pékin à Dehli mille bras travaillaient.
Ajoutez que Valets et Marchands le pillaient.
D'où venaient tant d'excès ? De la première enfance.
Ceux qui l'élevaient, sotte Engeance,
Lui criaient du matin au soir :
« Dépensez, dépensez, Monsieur, vous êtes riche.
Eh, de vous contenter devez-vous être chiche ?
À quoi le bien sert-il ?.... Puis cela fait valoir. »
C'était leur compte. On fait aisément recevoir
Des préceptes pareils. Voilà comme l'on gâte
Les fils de ces fameux Traitants ;
Et les nôtres aussi ; car de la même pâte
Sont pétris les Bambins. Or donc en peu de temps
Notre homme mit à sec, aidé d'habiles gens,
Ses trésors extraordinaires.
Réduits à la besace, il n'avait pas trente ans.

Les millions qu'ont amassés les pères
Font la perte souvent de leur petits-enfants.

Fable 19




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