La Guenon et ton Fils Théodore Lorin (19è siècle)

Une guenon, sensible mère,
À la folie aimait ses chers enfants :
Elle voyait en eux de leur aimable père
La prestesse, les traits charmants.
L'un d'eux, surtout, par son adresse,
Sa gentillesse et son agilité,
De l'aveugle guenon captiva la tendresse.
S'il volait quelques fruits, on vantait sa finesse ;
S'il se montrait mutin, querelleur, emporté,
De la faible maman la maternelle ivresse
Exaltait son courage et sa noble fierté ;
Si, malin et moqueur, il faisait des grimaces,
De sa figure elle admirait les grâces,
Son fin sourire et sa franche gaîté ;
S'il était têtu, volontaire,
Je ne veux pas, disait la mère,
Gêner en rien sa liberté.
Bref, jamais nul bambin ne fut aussi gâté.
Qu'arriva-t-il ? Un jour, sautant de branche
Pour prouver ses rares talents,
L'étourdi tombe et se démet la hanche.
La mère au désespoir, de ses cris déchirants
Fait retentir les bois ; dans ses bras elle presse
L'objet chéri de sa tendresse ;
Mais elle le serre si fort
Qu'elle l'étouffé et lui donne la mort.

Nature le veut, tendres mères,
De mille soins entourez vos enfants ;
Mais toutefois pour leurs défauts naissants,
Ne craignez pas de vous montrer sévères.

Livre II, Fable 19




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