La nature, envers toi, ne fut pas généreuse,
Ton corps est efflanqué, ton air est vil et bas ;
Pour moi, sans me vanter, je suis bien plus heureuse,
Car d'elle j'ai reçu les dons que tu n'as pas ;
On admire partout mes grâces, mon adresse ;
Ma figure est gentille et pleine de finesse.
Ainsi parlait un jour au renard la guenon.
Quand elle fut au bout de sa péroraison,
Le compère renard lui présente une glace :
Regarde, lui dit-il, un peu de ce côté ;
Vois-tu cet animal qui nous fait la grimace ?
Dois-je croire qu'il soit bien mieux que moi doté ?
Oh le monstre ! s'écrie aussitôt la causeuse ;
Peut-on être si laid ! quelle figure affreuse !
A qui ressemble-t-il ? ajoute le malin.
Je ne sais, car jamais on ne fut si vilain.
Notre belle guenon ne put se reconnaître.
De la part du renard ce fut un coup de maître
De s'être ainsi vengé par la comparaison.
La guenon dans le monde a plus d'un compagnon ;
Chacun en est d'accord, mais aucun ne croit l'être ;
Car comme elle chacun ne peut se reconnaître.