Les Singes et la Guenon Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Jadis des singes fort coquets
Et déguisés en freluquets,
Parmi les hommes se mêlèrent,
Et tant aux hommes ressemblèrent,
Que bientôt, pour les discerner,
On ne savait qu’imaginer.
Enfin, pour sauver les familles
Et préserver les jeunes filles,
Sur un théâtre de renom
On fit paraître une guenon.
Aussitôt singes l’applaudirent,
Tous au spectacle se rendirent,
Binocles sur les nez camards
S’adaptèrent de toutes parts.
Voyez ses pieds, voyez sa danse,
Ses grimaces, son impudence ;
Voyez tout ce qu’elle fait voir !
On la couronnait chaque soir.
Ainsi, malgré chapeaux et linge,
Se révéla le peuple singe.
Rigolboche, c’était le nom
De la bienheureuse guenon,
Eut chevaux, parures, domaines,
Tout, excepté figure humaine ;
Et longtemps elle rendit fous
Ses bons amis les sapajous.

Grands défenseurs de la morale,
Ne criez jamais au scandale.
Devant certains succès du jour,
Souffrez la danseuse qui brille :
C’est une guenon qui sautille,
Et les singes lui font la cour.

Livre I, fable 22


Symbole 22 :

Voir fable précédente, Le Renard et le Chacal.


Commentaires