Dame Guenon avait deux fils :
Tout ensemble mère et marâtre
De l'un des deux elle fut idolâtre,
Et l'autre était pour elle un objet de mépris.
Tant que les Aquilons aux Chênes font la guerre
Elle n'expose point ses amours aux frimas,
Mais dès que le Zéphir eût rassuré la Terre,
Elle sort de son trou serrant entre ses bras
L'objet de toute sa tendresse,
Et le couvant des yeux sans cesse.
Je ne sais si c'était l'Aîné,
Et l'on peut présumer que des Singes l'espece,
Ainsi que nous, connaît le droit d'Aînesse,
Quoi qu'il en soit, le fils abandonné
S'accroche comme il peut sur le dos de sa mère
Qui par grâce le laisse faire,
Ou plutôt par distraction,
(Car elle ne songeait qu'à son petit Mignon.
Un Loup sur leur chemin se présente en furie,
Le Trio périssait dans cette occasion ;
La mère sut au moins sauver sa propre vie :
Mais pour grimper sur l'antique sommet
D'un chêne respecté, doyen de la forêt,
Il lui fallut malgré son industrie
Déposer le Poupon qu'elle chérissait tant,
Le Loup le dévore à l'instant.
Celui qui se tenait au cou de la donzelle
Au danger échappe avec elle.

La Guenon désolée avertit les mamans,
Qu'il faut bien se garder d'aimer trop ses enfants.

Livre III, fable 2




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