La Leçon d'Histoire Louis-François Jauffret (1770 - 1850)

Le sage Ariste errait dans un jardin,
Tenant l'aîné de ses fils par la main,
Et lui disait : pour orner ta mémoire,
Pour te foi-mer, lis, médite l'histoire.
Quoi de plus beau que de voir, en lisant,
Le temps passé redevenir présent !
Mille héros renaître à la lumière,
Et des tombeaux secouer la poussière !
L'enfant léger, pendant cette leçon,
D'un air distrait contemplait l'horizon,
Et s'amusait à voir dans les nuages
Se succéder de bizarres images.
Il fait bientôt un cri d'étonnement.
Vois, vois, papa, cet énorme géant,
Le casque en tête, et portant une lance,
Qui dans les airs, se promène en silence ;
A son aspect, vois, de tous les côtés,
D'autres géants s'enfuir épouvantés.
Un monstre ailé l'attend et le menace ;
Le grand géant d'un seul coup le terrasse.
Mais, quoi ! mes yeux ont-ils été déçus ?
Tous ces objets n'existent déjà plus.
Je ne revois ni le géant énorme
Ni le dragon ; ils ont changé de forme.
Mon cher enfant, je suis de bonne foi,
Dit le papa : jadis, ainsi que toi,
Mes yeux, au ciel poursuivant les nuages,
Y découvraient des vaisseaux, des naufrages,
D'affreux combats, des volcans enflammés,
Et des géants contre le ciel armés ;
Mais, ô combien, dans ^histoire des hommes
J'ai Vu depuis de semblables fantômes !
Que de géants, dans les siècles passés,
L'histoire peint l'un par l'autre effacés !
Que de héros, à grande renommée,
Vont se perdant ainsi qu'une fumée !
Guerriers, savants, bourgeois et potentats,
Tout disparaît dans la nuit du trépas.
Peut-on penser à cette scène étrange
Où tout finit, où tout meurt, où tout change.
Sans croire voir ces fantômes mouvants
Qui, dans les airs, sont le jouet des vents !

Livre II, Fable 15




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