La Leçon du Grand-papa Raymond de Belfeuil (19ème siècle)

Deux enfants s'en allaient recevoir leur étrenne;
Dans la maison du grand papa;
C'était jour de gala.
« Pourvu, disait Edmond, que le don me convienne?
Car grand papa n'a point de goût ;
II dédaigné lés belles choses ;
La vie est, à l'entendre, épines plus que roses ;
Avec ça qu'il gronde sur tout !
— Quant à moi, dit son jeune frère,
Qu'il me donne jouets, argent ou vêtement,
J'en serai toujours très-content.
J'aime tant notre vieux grand père,
Qu'il me plairait sans nul présent.
Puis il nous aime tant, mon frère,
Qu'il faut bien lui passer son mécontentement;
Car, à notre âge,
Conviens qu'on n'est pas toujours sage. »
Ce disant, on entra
Chez grand papa,
Qui, les voyant tous deux, prit sur la cheminée
Certaine bourse façonnée
A ravir.
« Qui veut ceci? demanda le bonhomme.
Vile que l'on se nomme!
—Moi ! dit Edmond rougissant de plaisir.
— Toi, Charles, tu ne peux choisir,
Mais tu ne perds point à l'échange ;
Prends celle-ci, mon petit ange,
Dit alors le grand père ; elle vaut mieux encor. »
Et puis chacun se mit à compter son trésor :
Vingt francs seuls se trouvaient dans la bourse élégante,
Tandis que la modeste en contenait cent trente !
Edmond aimait son frère, il n'en fut point jaloux.
—J'ai compris la leçon, lui dit-il d'un ton doux :

C'est qu'on ne doit pas, j'imagine,
Juger d'après la mine.

Fable 10




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