Un petit paysan,
Malin, gourmand,
Comme on l'est au jeune âge,
Tu t'en souviens, lecteur, je gage ;
Quand nous étions petits marmots,
C'était le moindre de nos défauts.
Celui-ci donc, un beau jour, par sa mère,
Fut envoyé dans un jardin,
Avec celle prière :
Tiens, mon ami, voilà deux sous, un liard ;
Le liard pour toi, va quérir des groseilles ;
Prends garde à les oreilles
Si tu reviens trop tard.
Ce n'est pas but, pour te prouver que je l'adore,
Je te permets encore
De prendre un fruit de temps en temps :
Embrasse-moi, pars, je l'attends.
Valait-il pas mieux dire ?
Prends garde, petit polisson,
Si tu succombes à la tentation,
La verge est là, peut-être pire.
Qui ne prévoit la fin ?
Voilà sur son retour noire petit lutin,
Groseilles en sonràttler, tentant sa gourmandise.
Prendre le court chemin, dit-il, serait sottise.
Puisque maman m'a dit de manger de ce fruit,
Je ne veux qu'y goûter, cela seul me 'suffit.
Combien de fois n'as-tu pas dit la même chose,
Homme, avec ta raison ?
Piqué jusques au sang en cueillant une rose,
Le lendemain, tu cèdes à la tentation !
En arrivant près de sa mère,
Notre petit gourmand sournoisement pleurait :
Il avait tout mangé ! bien loin d'être sévère,
Le croirait-on ? sa mère, bêlas ! le consolait.
Faible mère, à vous je m'adresse ;
Dans leurs mauvais défauts corrigez vos enfants ;
Sachez que les mauvais penchants
Deviennent vices, encouragés par la faiblesse.
Avec justice il faut savoir punir,
Pour éviter plus tard larmes et repentit :
Ne soyez pas trop bonne,
C'est un sage conseil qu'en ami je vous donne.

Livre III, fable 15




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