L'Enfant et l'Abeille Louis-François Jauffret (1770 - 1850)

Zéphirin, jeune Enfant, joli comme l'Amour,
Et, comme lui, malin, vif, espiègle, volage,
Dans un bosquet fleuri se promenait un jour,
Sans soucis, (en a-t-on à l'aurore de l'âge) ?
Une Abeille survient. L'Enfant des yeux la suit,
Et voit bientôt qu'elle se pose,
Ou plutôt, qu'elle s'introduit
Dans un joli bouton de rose,
Eclos de la dernière nuit.
Attends, méchante créature,
Lui dit-il, je vais te punir :
Je ne veux plus qu'à l'avenir
On ait à craindre ta piqûre.
Là-dessus, secouant la fleur,
Il cherche à déloger l'Abeille ;
Mais celle-ci, trompant son injuste agresseur,
S'échappe en bourdonnant de sa niche vermeille,
Et s'envole si haut que Zéphyrin confus,
Perd l'espoir de l'atteindre, et ne la poursuit plus.
Ailleurs, son caprice l'entraîne.
Il va suivre un ruisseau dans sa course incertaine,
Se repose enfin sur le bord,
Et de lassitude s'endort.
L'Abeille, qui le voit, revient à tire-d'aile,
Voltige à son oreille, et bourdonne ces mots :
Je pourrais me venger ; l'occasion est belle :
Mais je veux, cette fois, respecter ton repos.
Aimable enfant, je te pardonne,
Et mon pardon est généreux.
Ah ! p lusse un songe officieux
Te transmettre du moins l'avis que je te donne !
Veux-tu, toute ta vie, être exempt de regrets ?
Prends pour guide la bienveillance ;
De qui ne te dit rien ne trouble point la paix ;
Et, prêt, comme l'Abeille, à repousser l'offense,
Pardonne quelquefois, ne provoque jamais.

Livre II, Fable 4




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