L'Enfant et le petit Oiseau Pierre-Louis Ginguené (1748 - 1816)

À peine séparé de sa Mère inquiète,
Un jeune Oiseau tomba dans les mains d'un Enfant.
Si jamais je deviens ou Pinson ou Fauvette,
Me préserve le ciel qu'il m'en arrive autant !
Grande joie au logis. Voyez ! il est vivant :
Il mangera tout seul ; il fera l'échelette ;
Il parlera, dira : Petit-Fils ! mon Mignon !
Apprenons lui d'abord à voler. À la patte,
L'Enfant d'une main délicate
Attache un fil léger, et joint à sa leçon
Force biscuit, force bonbon.
Ne croit-on pas qu'avec si bonne chère,
Et si bon Maître et chaîne si légère,
L'Oiseau va se trouver content ?
Mais son air boudeur et colère
Dit bien qu'il ne l'est pas. Qu'as-tu, petit Méchant ?
Ce fil nu te déplaît : pour te remettre en joie,
Je t'en vais donner un de soie.
La soie est déjà mise, et ce lien nouveau
Rend plus triste encor notre Oiseau.

L'argent te ferait-il envie ?
Dit le Bambin ; et son doigt diligent
À la patte indocile ajuste un fil d'argent.
L'Oiseau fait toujours grise mine :
De son côté l'Enfant s'obstine ;
Et pour le dire en abrégé,
Fil de soie et d'argent en fil d'or est changé.

Oh ! maintenant avec ta belle chaîne
Mon cher Petit, tu n'auras plus de peine.

Laisse-moi prendre mon essor,
Ou tu perds tous tes soins, répond l'Oiseau sauvage.
Qu'un fil qui me retient soit d'argent, qu'il soit d'or,
Il ne m'en plaît pas davantage.
Je sais qu'il est d'autres Oiseaux
Que leur chaîne séduit par un air de richesse,
Qui souffrent, såns mourir, la cage et les barreaux :
Je ne suis pas de leur espèce.
Chaîne d'argent, de soie, ou de l'or le plus fin,
Même de diamants, m'importune et me blesse,
Puisque c'est une chaîne enfin,

Fable 22




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