Les animaux, voyant chez les humains
Forger canons rayés sur bruyants avant-trains,
Fusils pour la mousqueterie
Et sabres affilés pour la cavalerie,
Se dirent : « Pourquoi donc n'en ferions-nous autant ?
L'homme, plus circonspect, retiendrait sa furie ;
Ses coups atteindraient moins l'animal innocent ;
Ayant en main les mêmes armes,
Et, qui plus est, grifses et dents,
Dans nos antres profonds devenus tout-puissants,
Nous n'éprouverions plus de si chaudes alarmes.
— C'est bien, dit le Renard : mais savez-vous comment
On coule le mortier, la longue coulevrine ?
C'est le secret do l'homme ; acquérez son talent. »
Chacun, à ce propos, fit une longue mine,
Moins le Bœuf, compagnon des plus laborieux.
« Dans mes efforts, dit-il, vous me verrez heureux.
—- Bah ! reprit le Renard, tu ferais de l'eau claire ;
Ton esprit ne convient pour un pareil mystère ;
Retourne à ta charrue. » 11 fut mis de côté.
Le critique, à son tour, au travail invité,
Se reconnut trop vieux : « Voici notre confrère,
Ajouta-t-il, messire l'Éléphant,
Que j'aperçois réfléchissant ;
Qui sait s'il n'est point apte à fournir la carrière ?»
On en pouvait douter ; mais tous au môme instant,
A qui mieux mieux le dénigrant,
L'écartèrent d'accord. Le démon de l'envie
Était déjà de la partie.
11 s'agissait, hélas ! bien moins de réussir,
Quo de blâmer celui qu'on aurait pu choisir.
C'est ainsi trop souvent qu'on fait en politique ;
C'est ainsi qu'a péri plus d'une république.
Ayez plutôt un chef d'un renommé talent,
Qui, commandant do haut et bravant la critique,
Rende l'orgueil lui-même aux lois obéissant.