Un champ était vacant, par l'absence du maître ;
La Chèvre, qui souvent accourait pour y paître,
Voulut on retirer quelque denier comptant ;
Elle n'avait grande ressource,
Et la voilà toujours on course
Dans l'espoir do trouver chaland.
Non loin de son domaine, elle voit d'aventure
Un Bœuf à la forte encolure
En train de labourer. « Louez-moi donc mon champ,
Lui dit la Chèvre en l'abordant,
Vous no trouverez point autre endroit qui lo vaille ;
Vous y ferez forte semaille.
— Oui-dà, répond le Bœuf, là-dessus ruminant,
Je vois là du travail, une énorme dépense,
De profit bien petite chance ;
Je ne puis en donner que tant. »
— Que tant ? vous me la baillez belle !
A ce prix-là, pour un prenant,
Il m'en viendra bien plus de cent.
Fouillez au fond de l'escarcelle,
Agissez sérieusement. »
Maître Bœuf tenait bon, la dame, sans relâche,
Pendant un mois entier à lo vaincre s'attache,
Lo maître do céans revient à la maison,
Dès lors plus de location.
Que de traités rompus, de procès on instance,
Do peuples saccagés, réduits à l'indigence,
Quand chacun, soutenant, discutant, s'obstinant,
Prétend no rien céder à l'antre contractant !