C'est en suivant les routes ordinaires
Que des soucis rongeurs on n'est point tourmenté ;
Le repos, le bonheur, ne se rencontrent guères
Qu'où gît la douce obscurité.
Un jeune fleuve, assez près de sa source,
Honteux de n'être encor qu'un timide ruisseau
Et de n'offrir, dans sa modeste course,
Qu'un simple et petit filet d'eau ;
Insensé demanda des neiges aux montagnes,
Des eaux rapides aux torrents,
Des tempêtes au dieu des vents,
Tout ce qui peut enfin affliger les campagnes.
Le destin accomplit ses désirs imprudens !
On le vit donc franchir ses rives,
Chasser les nymphes fugitives Et désoler ses bords charmants...
L'orgueilleux s'applaudit d'abord de sa puissance ;
Mais voyant qu'on fuyait son aspect odieux ;
Que chacun, avec soin, évitait sa présence,
Et que sa funeste influence
Changeait en un désert les plus aimables lieux,
Il regretta son lit creusé par la nature,
Ces arbres, ces oiseaux et leurs douces amours,
Des frais gazons la riante verdure,
Et tous les compagnons de son paisible cours.

Livre I, fable 3




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