Deux oiseaux voyageurs, le Coucou, l'Hirondelle,
Tous deux ennemis des frimas,
Étaient venus dans nos climats
Pour y passer le temps de la saison nouvelle.
Progné, sans être mère encor,
Songe à bâtir un nid : elle prend donc l'essor.
A l'aide de son bec, qui lui sert de truelle,
On voit bientôt s'élever un logis,
Où, sur un lit de plume, et couvés sous son aile,
Pourront éclore à l'aise et croître ses petits.
Cela fait, notre oiseau, qu'excite un tendre zèle,
Dit au Coucou : Ma chère sœur
(Car c'était un Coucou femelle),
Au fond je te crois un bon cœur ;
Mais confier tes œufs aux soins d'une étrangère,
Est-ce là le fait d'une mère ?
A mon exemple il faut construire un nid.
Ciment, paille, et duvet, ne te manqueront guère.
Sais-tu comment on le bâtit ?
- Si je le sais ! oui, certes, je m'en pique,
Répond l'oiseau stupide et vain.
C'est mon moindre talent. A quoi Progné réplique :
- En ce cas, mets-toi vite en train.
-Non rien ne presse. -Et si tu ponds demain ?
-Ô quelle prévoyance extrême !
- Une mère jamais ne peut trop en avoir.
Je t'aiderai plutôt moi-même
A bâtir ton petit manoir.
Et, sans en dire davantage,
L'Hirondelle aussitôt se remet à l'ouvrage.
Tout à-la-fois architecte et maçon,
Elle rêve à son plan, et puis elle travaille,
Mouille et bat le mortier, l'entrelace de paille,
Puis façonne avec art les murs de la maison.
Déjà s'avançait l'édifice,
Lorsque l'oiseau bavard la traite de novice,
Contrôle son ouvrage, et dit qu'il pèche en tout ;
C'est ceci, c'est cela ; bref, il fait tant l'habile,
Qu'à la fin l'Hirondelle à bout,
En ces mots exhale sa bile :
Puisqu'à ce métier-là tu te connais si bien,
Pourquoi donc me regarder faire ?
Mais tu crois t'y connaître, et je vois le contraire :
Qui prétend savoir tout prouve qu'il ne sait rien.
Ainsi ne me romps plus la tête.
Tu feras comme il te plaira :
J'ai commencé ton nid, l'achève qui voudra ;
Je n'entends plus m'en mettre en quête.
Adieu. — Progné soudain regagne le logis
Pour y faire à loisir sa ponte,
Tandis que le Coucou, digne objet de mépris,
Demeure avec sa courte honte.
Ô vous qui nous offrez le tableau le plus doux
De la tendresse maternelle,
Pardon de l'apologue : il n'est pas fait pour vous ;
La nature vous parle, et vous n'écoutez qu'elle :
Mais s'il est des mères coucous,
Je les renvoie à l'Hirondelle.