Privé de l'eau du ciel dans le fort des chaleurs,
Le jardinier Lucas n'avait d'autre ressource,
Pour arroser et ses fruits et ses fleurs,
Que le tribut d'une limpide Source.
Lucas y puisait donc du matin jusqu'au soir ;
Mais par malheur alors elle n'abondait guère,
Et trop souvent, pour remplir l'arrosoir,
Il lui fallait une heure entière.
Un jour, le Jardinier lui dit avec humeur :
Source avare ! source maudite !
Ne peux-tu donc couler plus vite ?
Quoi ! je te parle en vain... toujours même lenteur ?
Ah ! c'est payer trop cher un si léger service...-
Et, dans un accès furieux,
L'ingrat, contre sa bienfaitrice,
Se répand en propos les plus injurieux.
La Naïade, pour le confondre,
N'avait besoin que d'arrêter son cours ;
Mais non sans s'émouvoir, ni même lui répondre,
Au profit de Lucas elle coula toujours.
C'est le vrai bienfaiteur que j'ai peint dans ma fable.
Il trouve mille ingrats, sans se lasser jamais
De leur dispenser ses bienfaits :
La source est dans son cœur ; elle est intarissable.