Dans la Floride, aux savanes profondes
Qu'ombragent les Tulipiers verts,
Le voyageur séduit s'arrête au\bord des ondes
Que Dieu fait sourdre en ces riants déserts
Ou si prodigue sa main sème
Les parfums, l'ombre et la fraicheur,
Ou le colibri, fleur lui-même,
Va voltigeant de fleur en fleur.
Avec transport le voyageur aspire
L’enivrante atmosphère aux suaves senteurs ;
Il s'assied sur la rive; il se penche, il admire
Ces eaux offrant à l'œil jusqu’en leurs profondeurs
Un pur cristal en qui onde se mire.
Cette onde » se dit-il, » par sa limpidité
Cette onde dans son sein m'attire;
Qu’elle est bleuâtre et calme et quelle volupté
D’y rafraichir mes sens alanguis de fatigue ! »
Mais, plus avant s'inclinant sur la digue,
Attentif, il regarde.... horreur !
Il aperçoit au plus profond de l'onde,
Enorme, un Caïman immonde.

Ainsi les jours du riche ont l'attrait du bonheur;
Son ame est à nos yeux, comme ces eaux, tranquille ;
Rien ne semble en troubler le calme plus profond ;
Mais penchez-vous sur elle et... regardez au fond !
Regardez bien! vous verrez un reptile
S'agiter dans les profondeurs,
L’hydre des secrètes douleurs.

Livre VIII, fable 5


Alger, 30 août 1854.

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