Au retour du printemps, la campagne plus belle Invitait à jouir de ses charmes naissants. Et les fleurs, dans ce temps où tout se renouvelle, S’ouvraient aux doux baisers des zéphyrs caressant Pourtant l’âne accusait sa triste destinée ; Forcé, chaque matin, de porter tu marché Des pots de fleurs sans nombre ; il était peu touché De ce que nous nommons jeunesse de l’année. Fi ! de ce doux printemps, que ne suis-je en été, S’écriait-il, sans doute, il me serait prospère. L’été vint, mais encor de peines escorté ; Il fut, pour le baudet, un surcroît de misère. Accablé sous le poids de ces tourmens nouveaux, Espérant être mieux, il désira l’automne ; Mais avec lui l’automne amène d’autres maux : Et Cérès, Bachus et Pomone Multiplièrent ses travaux. Il appela donc à son aide L’hiver et les froids aquilons ; Et la plus froide des saisons N’offrit à son mal nul remède : Du malin jusqu’au soir, malgré les ouragans, La neige, la pluie et les vents, Il eut pour tâche coutumière, De porter au milieu des champs, Des fumiers infects et pesants, Ou quelque substance grossière ; Et si parfois notre grison Glissait dans le fond d’une ornière, Son maître, suivant par derrière, Le relevait toujours à grands coups de bâton. N’ayant plus d’espérance aucune, Il comprit enfin que la mort, Pouvait seule changer son sort Et terminer son infortune. Solliciter un changement Lorsque la fortune est contraire, C’est vouloir ordinairement, Changer, tout au plus, de misère.