Kat était un chat de gouttière
Appartenant à la portière
D’un des beaux hôtels de Paris.
Fin escroqueur de rats, bon preneur de souris,
Une heure seulement en rond sur une chaise
Il sommeillait d’un œil aussi luisant que braise,
Rêvait bataille et combats,
Concerts nocturnes aux sabbats.
Le bruit le plus léger le dressait sur ses pattes,
il aiguisait la griffe, et soudain rats et rates
S’enfuyaient dans leurs trous, qu’en termes plus polis
Les gens bien élevés ont appelé leurs nids.
Kat était peu chéri de la vieille portière.
Ses amours étaient Kit, un angora, son frère,
Écarlate matou qui laissait les souris
Vider le sucrier, ronger le pain, le riz,
Pour aller caresser tendrement la maîtresse,
Se frotter à sa jupe et faire avec souplesse
Rouler la boule de papier
Devant la loge du portier.
À lui les os garnis, le café, les biscottes,
Le coin du feu, les caillebottes.
Nourri comme un sultan, Kit, favori dodu
N’avait pas l’air morfondu
De Kat, le frère aîné, dont la maigreur extrême,
Le poil ternit, le museau blême
Donnaient à supposer qu’il logeait dans ses flancs
Les vendredis, les quatre-temps,
Et six semaines de carême.
Il méritait pourtant d’être plus dorloté
Que l’angora gâté
Mais un animal laid nous est antipathique.
Nous aimons, malgré nous un attrayant physique.
Aurait-il au moral des vices, des travers,
On lui pardonne tout : ainsi va l’univers.