Une fille dans les vingt ans,
Fort recherchée en mariage,
Un peu pour quelques agréments,
Beaucoup pour sa part d’héritage,
Souhaitait rencontrer l’idéal des époux,
Un homme distingué toujours à ses genoux,
L’appelant mon doux ange et ma divine belle,
Ne convenant de rien sans consulter ses goûts,
Bref ! le mari charmant exprès bâti pour elle.
Je n’aurais, quant à moi, jamais pu l’en lotir.
La chance se chargea de le lui découvrir

Et de le lui donner. L’union fut heureuse.
Le tendre époux rêvé charme notre amoureuse.
Il est aux petits soins, tout confit en douceurs,
Prodiguant les cadeaux, les surprises, les fleurs,
Esclave aux ordres de Madame.
Veut-elle se chauffer ? il active la flamme.
Distraire ses ennuis ? il chante en baryton
La cavatine d’Actéon.
Aux bals officiels bon cavalier servante,
À la faire valser c’est lui qui se présente.
Tout cet empressement agréable d’abord,
À la longue finit par être en désaccord
Avec les désirs de Madame.
Pourquoi l’appelle-t-il niaisement « chère âme ? »
Monsieur ne charme plus. Trop zélé serviteur,
Inopportun danseur,
Comme une ombre il vous suit, comme un tyran il veille
Éloignant les amis qui glissent à l’oreille
Le banal compliment. Qu’il garde ses bouquets !
Ce n’est pas du tout beau tant de fleurs en paquets…
Ah le vilain mari ! Dieu ! qu’elle est malheureuse !
L’époux trouve sa femme un peu capricieuse.
La chance, lui dit-il, vous avait prise au mot ;
Je suis d’un dévouement… Mais Madame aussitôt
Répartit en colère
Il est martyrisant ! je ne saurais m’y faire !
Vous devriez savair si vous n’étiez si sot,
Que même en dévouement l’excès est un défaut.

Livre I, Fable 8




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