Le Chat qui dort Augusta Coupey (1838 - 1913)

Un chat surnommé Croquelard,
Se levait tôt, s’endormait tard,
Et chaque jour du mois faisait une hécatombe
Des rats et des souris qu’il couchait dans la tombe
Avec une férocité
Comparable à la cruauté
En usage chez le Malgache.
Il n’était pour lui trou ni cache
Ignorés. Son traître museau
Flairait sous poutre, sous carreau,
L’appartement de dame rate
À laquelle il tendait la patte.
Représentez-vous les terreurs
Des petits animaux rongeurs,
Victimes de ce misérable.
Ils vouaient Croquelard au diable !
Le souhaitaient mis en civet,
Cuit à l’ognon, frit au navet,

Ou servi chaud en gibelotte,
Et sa fourrure dans la hotte
Du marchand de peau de lapin.
Le monstre narguait le destin.
Plus que jamais le méchant drôle
Échappait à la casserole.
L’apercevant sur un tapis
Qui sommeillait, une souris
Trottina conter la nouvelle :
« Croquelard dort, mes sœurs, dit-elle,
« C’est le moment de déjeûner ;
« Nous n’avons pas à nous gêner.
« Voici du veau, des tartelettes…
La bande sort de ses cachettes
Grignotter le susdit rôti
À la barbe de l’endormi.
Le bruit ne donnant point l’alarme,
On hasarda quelque vacarme.
Un rat réputé beau valseur,
Sauta léger, brillant danseur,
Avec aimable souricelle.
Le cavalier, la demoiselle.
Riant, chantant, près du matou.
Il s’éveilla, tordit le cou
À la valseuse vagabonde
Qu’il envoya dans l’autre monde.
Miserere ! le triste sort !
N’éveillez pas le chat qui dort.

Livre I, Fable 12




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