Messire le Lion était le potentat
D’un grand État.
Il criait constamment sur les ingratitudes
Des caractères plats des viles multitudes.
À l’entendre le trône était fait de bambous
Semés d’éclats de verre et de pointes de clous.
Ah ! qu’il eût mieux aimé mener à la houlette
Un troupeau d’agneaux blancs paître l’herbe tendrette,
Que conduire au bâton ce peuple d’Iroquois,
Célèbre pour croquer… de temps en temps ses rois…
Le fait est avéré, bien acquis à l’histoire,
Et messire Lion en a gardé mémoire.
Aussi, redoutant fort les révolutions
A-t-il pris en horreur les folles nations.
Un ministre nouveau, d’humeur compatissante.
Eut pitié du monarque à la plainte incessante,
Et lui dit : Majesté ! délaissez là ces gens
Et partez au désert achever vos vieux ans.
Le Lion répondit : renoncer au « Pouvoir »
Paraîtrait aujourd’hui manquer à mon devoir ;
Attendons à demain. Demain, bravant le blâme,
Je quitte ces ingrats qui n’ont ni cœur ni âme.
Lors, le jour arrivé, le roi ne semble pas
Descendre de son trône une marche plus bas.
Le peuple courroucé lui déclare la guerre,
L’oblige à se cacher dans un humble tanière.
Mais à peine l’émeute apaisée, à sa fin,
Que du trône maudit il reprend le chemin.
Pouvez-vous m’expliquer cette étrange manie
De troubler son repos, de torturer sa vie,
Pour subir le martyr de garder un Pouvoir
Qu’on prétend abhorer, qu’on dit ne plus vouloir ?…