Le Paon et le Rossignol Auguste-Alexandre Simon (1791 - 18**)

Un paon, ravi de ses attraits,
De son esprit, de sa tournure,
Disait partout : fut-il jamais ;
Plus bel oiseau dans la nature ?
Dans l'Olympe, l'égal des dieux,
Favori de Junon, sa gloire m'environne,
Et si son trône est radieux,
C'est par l'éclat que je lui donne.
Dans une basse-cour, au milieu des dindons,
Des oies et des canards, gens de grande importance,
Il s'exprimait ainsi sur ses imperfections ;
Mais sur son chant il gardait le silence.
Un rossignol, en ce moment,
Par ses accords se lit entendre ;
Sa voix, en peignant son tourment,
Devenait plus douce et plus tendre.
A ces accents, mélodieux,
Canards, dindons, se fixant d'un air bête,
Semblaient se consulter entr'eux :
Mais le paon, aussitôt, en élevant la tête
Plus fier qu'auparavant, leur dit :
Laissons ce rossignol affecter, l'esprit :
Il a beau débiter roulade sur roulade,
J'aime bien mieux la voix canarde
Que ses insipides accords,
Aux yeux des connaisseurs, ennuyeux et discords.
Parlez-moi du dindon, voilà du chant qui charme !
Quel naturel dans son glouglou !
Sans l'oie si gracieuse, il obtiendrait la palme,
Tant sa méthode est de bon goût.
Le rossignol, alors, habile à la réplique,
Le foudroyait déjà par un début brillant ;
Mais notre basse-cour, sans vouloir qu'il s'explique,
L'interrompt, tout à coup, par un chœur discordant.
L'oiseau, si gracieux, qui chante ta nature,
Devant le poulailler s'incline et prend son vol ;
un bon orateur, au cri de la clôture,
Subit le sort du rossignol.

Livre I, fable 4




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