Par hasard, certain jour, la chaise d'un baron,
A l'antichambre en un coin oubliée,
D'être en un pareil lieu se crut humiliée,
Et s'en plaignait dans son jargon.
Moi, disait-elle, ici, vraiment j'en suis honteuse,
Parmi les chaises des laquais !
Pareil affront fut-il jamais ?
Doucement l'orgueilleuse,
Reprit la chaise du cocher :
Vous êtes comme nous et de bois et de paille,
Un peu plus grêle pour la taille,
Et, nia foi ! rien de plus si je sais bien juger.
A plus d'honnêteté, ma sœur, je vous invite ;
Respectez vos pareils, n'importe leur état,
Et, si vous avez plus d'éclat,
Ayez aussi plus de mérite.
Votre prospérité peut ne durer qu'un jour,
Et dans l'adversité quel sera votre asile,
Si vous humiliez d'un affront inutile
Ceux qui méritent votre amour ?
Le cocher, qui survint, fit cesser la dispute :
Il prend, sans le vouloir, là chaise du baron,
Qui, sous son poids pesant, fléchit, craque et se rompt,
Et lui fait faire la culbute.
Des huées, sans pitié, pour son affreux destin,
De la chaise, en morceaux, signalèrent la fin.
Sur le dossier «le la victime,
Le baron lut celto maxime :
On ne plaint pas l'adversité
De qui fut arrogant dans la prospérité.

Livre I, fable 5




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