Dans sa loge enchaîné presque dès sa naissance,
Et devant y passer le reste de ses jours,
Un lion ne pouvait, pour toute jouissance,
Qu'apercevoir les champs, la ville et les faubourgs ;
Sa curiosité n'était point satisfaite.
Notre animal un jour, poussé par le désir
De vouloir tout connaître et de tout parcourir,
A travers les barreaux cherche à passer sa tête ;
S'agite, bondit, fait mille efforts pour sortir,
Et se tourmente enfin jusqu'au point de périr.

Ce lion enchaîné nous offre notre image ;
Chaque mortel, d'après les lois de l'univers,
Dans ce monde a sa part de gêne et d'esclavage :
Mais sans chercher en vain à secouer ses fers,
Les porter sans se plaindre est ce que fait le sage.

Livre II, fable 75




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