Le roi des animaux ayant fait bonne chère,
(Si les rois dorment mal, parfois ils mangent bien),
Avec ses courtisans cessa tout entretien,
S'étendit dans son antre et ferma la paupière.
Courtisans de sortir. Je les eusse imités.
Deux Renards cependant, causant à ses côtés,
L'un d'eux à demi-voix dit à l'autre : remarque,
Jusque dans son sommeil, l'air noble du monarque !
Des rivages du Maure aux déserts de Barca,
Vit-on jamais Lion avoir tant de puissance ?
Je me trompe, ou, dès sa naissance,
Jupiter lui communiqua
Quelque chose de son essence.
— Il est vrai. Sur son front, brillant de majesté,
Rayonnent quelques traits de la Divinité.
Qu'il porte bien le diadème !
Je baiserais, je crois, la trace de ses pas.
— Moi, pour le sauver du trépas,
Je sacrifîraîs mes jours même.
— Il sommeille : parlons plus bas.
— Déjà l'agile Renommée,
Occupant pour lui ses cent voix,
Proclame ses nombreux exploits,
Et le met au-dessus du Lion de Némée.
Ils allaient tour-à-tour le flagorner sans fin,
Quand tout à coup le souverain
Ronfla profondément. Il est temps de suspendre,
Dirent alors nos gens, un dialogue vain.
Sortons ; laissons, le roi dormir jusqu'à demain.
A quoi bon le flatter, s'il ne peut nous entendre ?