Le Lion et les Renards Frédéric Rouveroy (1771 - 1850)

Un jeune et beau lion, d'une vaste forêt
Se trouvant possesseur par le droit de la guerre,
Pour la première fois, dit-on, la parcourait :
Un nouveau souverain voyage d'ordinaire.
Espérant mieux connaître ses états,
Il marchait lentement, sans suite, sans fracas,
Et sans flatteurs surtout ; il ne les aimait pas.
Sire lion voit à quelque distance
Des renards de sa dépendance,
Leur accorde un salut. Alors à petits pas
Notre caravane s'avance,
Dans le dessein de le complimenter.
Au nom du reste de la bande,
Un d'eux prend la parole, et le roi d'écouter,
» Sire, dit l'orateur, que Jupiter entende
Les vœux que nous formons pour votre majesté !
Ce n'est qu'un cri par tout l'empire.
Le peuple vous adore, et si j'ose le dire,
Vous êtes né pour sa félicité,
Entre un roi tel que vous et le défunt monarque,
Quelle est la différence, hélas ! et que la parque
A bien fait de s'en souvenir !
Intempérant, brutal, fougueux, colère,
Sur chaque mot prompt à s'aigrir,
Il ne se vit jamais plus méchant caractère,
Nul n'en saurait disconvenir. »
Le lion, à ces mots, ne peut se contenir,
Il se dresse, rugit, hérisse sa crinière,
Sa queue autour de lui fait voler la poussière :
» Malheureux, leur dit-il, respectez votre roi !
Si j'avais fermé la paupière,
Vous en diriez autant de moi. »

Possédez-vous quelque maison en ville,
Joli château d'un abord très-facile,
Et votre cuisinier serait-il des meilleurs ?...
Je vous promets douze ou quinze flatteurs ;
Mais soyez prince, et vous en aurez mille.

Livre II, fable 12




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