L'Homme et l'Espalier Frédéric Rouveroy (1771 - 1850)

Quel que puisse être le sentier
Qui vous conduit vers la science,
Suivez long- tems, timide et docile écolier,
Les leçons d'un bon maître et de l'expérience :
Demi savoir nuit bien plus qu'ignorance !
Un homme avait un fort bel espalier.
Arrive la saison nouvelle,
L'arbre est couvert de fleurs ; mais une main cruelle
Vint élaguer tous les rameaux
Où les bourgeons naissants allaient bientôt éclore,
Et de la sève ainsi retranche les canaux.
Hélas ! ce n'est pas tout encore :
Dès que le fruit commence à remplacer la fleur,
Et que pour le nourrir comme une tendre mère,
Les feuilles préparaient un abri protecteur ;
Leur croyant un dessein contraire,
Voilà que notre sot les ôte tout à fait !
» Les sucs, se disait-il, que leur transmet la terre,
Pour mes fruits seront un bienfait :
En buvant tout, la chose est claire,
Ils vont grossir et mûrir à souhait.
Oui, je les vois déjà, je les vois qui prospèrent !.. ».
Qu'arriva-t- il ? Ils avortèrent ;
Et dépouillé de tous ses ornemens,
L'espalier même en souffrit très longtemps.
Comme un bel arbre en fleur se présente l'enfance :
N'en élaguez point trop les utiles rameaux,
Dirigez-les avec prudence ;
Des fruits délicieux seront la récompense
De vos soins et de vos travaux.

Livre II, fable 13




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