Le Lion s'était lié amitié avec l'âne. Comme ils se promenaient ensemble, un corbeau éclata de rire à la vue de cette étrange paire :
- Comment se fait-il, messire Lion, croassa-t-il, que vous soyez en compagnie d'un âne stupide ?
Le Lion lui répondit :
- Quiconque m'est utile peut se promener en ma compagnie.
Un peu plus loin, un autre âne sur leur chemin les salua ainsi :
- Bien le bonjour, messire Lion ! Et salut, mon frère !
Sur quoi l'âne se mit à braire :
- Un peu de respect, piétaille ! Tu ne vois donc pas que je suis le compagnon du roi ?
Ils arrivèrent, un peu plus loin, à un endroit où une caverne s'ouvrait dans le roc. Elle avait deux entrées, mais toutes deux trop étroites pour le Lion comme pour l'Âne. Alors le lion dit à l'âne de se poster près de l'une des entrées, tandis que lui-même prenant place près de l'autre, mais soigneusement camouflé. Puis il fit signe à l'âne de braire. L'autre donna de la voix à pleine gorge. Dans la caverne se cachait une antilope. Épouvantée par le formidable braiment de l'âne, elle ne fit qu'un bond hors de la caverne par l'issue opposée, droit dans la gueule du lion.
L'Âne tenta de convaincre le lion qu'il avait droit, lui aussi, à sa part du festin ; il lui dit observer qu'après tout, si cette antilope s'était laissé prendre, c'était grâce à son braiment à lui, l'âne. Mais le lion rugit, pour toute réponse :
- Disparais de ma vue, avant que je ne te dévore à ton tour.
Voilà ce qui arrive quand un âne perd son temps à se faire l'ami d'un lion.