La fable qui précède était pour les moutons :
Il faut bien à ceux-là prouver que la prudence
Pour eux est dans l'obéissance.
Trouvez-moi des Brutus, montrez-moi des Catons,
A ceux-ci je dirai si j'aime l'esclavage.
Un aiglon pris dans une cage
Avant d'avoir connu le paternel essor,
Avait grandi dans la volière
D'un seigneur, et sa tête altière
Sortait d'un riche collier d'or,
Au collier tenait une chaîne
Rivée à la branche d'un chêne.
A cela près, sa majesté
Jouissait de sa liberté.
Un jour il vit une hirondelle
Et voulut causer avec elle ;
Mais l'hirondelle avec dédain
S'envole et poursuit son chemin.
L'aigle de ce mépris s'étonne.
Il voit passer un autre jour
L'hirondelle, et lui dit : - Ma bonne,
Sachez qu'à mes pareils les vôtres font la cour.
- Et qui donc êtes-vous ? lui répond l'hirondelle.
- Je suis un aigle. – Oh ! non, dit-elle,
Mais un oiseau de basse-cour.
Un aigle eût secoué la servitude humaine,
Dut-il laisser sa chair et son sang à sa chaîne.
Moi je ne suis qu'un oisillon,
Et je ne crains pas l'esclavage :
Je meurs si l'on me met en cage.
Et toi dont l'aile pend comme un noble haillon,
Par paresse ou frayeur tu te laisses corrompre,
Quand tu peux ou mourir ou vaincre pour régner !
Il ne faut pas se résigner
Aux chaînes, lorsqu'on peut les rompre.